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LA MARIEUSE IDEALE

LIUDA, LA MARIEUSE IDEALE Lors de mes séjours à Kiev, j’avais des contacts avec des artistes peintres que j’ai exposé à Genève depuis 1998 . Je faisais des visites d’atelier, et je découvrais un autre monde. Un monde dont les artistes possédaient le vrai métier de peintre, qui avait perduré à travers le mouvement réaliste-socialiste dans les pays de l’URSS, au contraire de beaucoup des artistes de nos régions qui avaient beaucoup perdus avec l’anti-art, l’art conceptuel. Pour être franc, Kiev ne m’intéressait pas uniquement pour ses artistes, pour la beauté de ses parcs, des ses musées, de ses églises et bâtiments historiques, mais aussi pour la beauté de ses femmes, qui correspondait à mon beau idéal. Aussi, c’est avec un ami artiste que je suis allé à la recherche d’une femme dont je pouvais être amoureux et avec laquelle je pouvais envisager une vie commune. Les différentes agences matrimoniales qui avaient pignon sur rue se sont vite révélées décevantes, car très anonymes. Pour elles, vous étiez simplement des clients dont elles pouvaient tirer de l’argent ; le contact était impersonnel et assez froid. Il me fallait autre chose une autre approche. Par pur hasard, nous sommes tombés sur quelqu’un qui nous a donné un numéro de téléphone : la voix, était chaleureuse, aimante, compréhensive, accueillante. C’était mon premier contact avec Liuda qui allait devenir ma marieuse, la femme de confiance, celle qui allait favoriser mes rencontres. Je n’allais pas être déçu. Nous étions en l’an 2000, j’allais avoir 50 ans, mais pour elle, j’étais jeune, j’avais encore la vie devant moi. Elle habitait un modeste petit appartement en banlieue de Kiev, et elle recevait dans son séjour qui était aussi sa propre chambre, la chambre unique de l’appartement séparée par le corridor de la petite cuisine attenante. L’accueil était à la fois très pittoresque et très simple. Elle était environnée de somptueux livres de photographies, dans lesquelles je découvrais toute une galerie de jeunes femmes dont certaines étaient très jolies. Pour chacune, elle pouvait donner des détails sur son âge, sur sa formation, ses goûts, sa psychologie. Mais surtout elle joignait les paroles aux actes. Dès que je tombais sur une photo de femme qui me plaisait, elle ne perdait pas une minute, elle téléphonait, parlait de moi avec enthousiasme et arrivait chaque fois à me décrocher un rendez-vous. Et pourtant j’avais des goûts esthétiques très particuliers et exigeants, parfois, je restais des heures à consulter les livres avec les centaines de visages souriants sans pouvoir me décider. Elle avait une patience d’ange. Pour elle, le temps n’était jamais de l’argent. Parfois elle recevait un téléphone, répondait rapidement et reprenait son attention à mon égard. Comme Liuda vivait son métier comme une vocation et qu’elle le pratiquait avec psychologie, compréhension et un amour sincère, l’aspect financier était pratiquement anecdotique, le prix modique pour son service accepté sans hésitation. Car on sentait que son bonheur, sa raison de vivre, c’était de mettre en contact un homme et une femme ensemble pour qu’ils s’aiment et vivent heureux.

Après quelques rendez-vous avec de jeunes femmes dont le contact finalement s’était révélé peu concluant, Liuda était en panne de jeunes femmes à me proposer. J’étais tellement exigeant qu’aucune de ses promises ne pouvaient me convenir. Mais Liuda n’abandonne jamais la partie. Elle a toujours un nouveau tour à jouer, car elle a une capacité d’empathie et de contact exceptionnel et garde de précieuses relations avec des collègues qui peuvent venir à son aide. C’est ce qui s’est passé. Je me suis retrouvé finalement dans une petite agence, avec une petite femme toute seule qui m’a fait feuilleter un album. Tout le contraire de Liuba, elle semblait pressée, ne m’accordait que très peu de temps, et pourtant... 

Tout à coup, une apparition. Une photo avec une très jeune femme blonde dans le lointain. Peu de détails, mais une silhouette séduisante, un sourire, une aura. Elle était très jeune, 22 ans et demi. Nous étions janvier 2000. Je devais choisir rapidement entre elle et un autre choix d’une femme plus âgée, qui pouvait mieux correspondre à mon âge et qui me plaisait assez. Mais j’ai tranché pour les cinq ans qui allaient suivre, j’ai tranché pour la jeunette. 

Pour Liuda, pas de souci Je pouvais très bien m’assortir avec une jeune femme de plus de 25 ans plus jeune que moi. En Ukraine, c’est possible elle me dit. C’est même souvent le cas. 

Rencontre et coup de foudre. J’ai tout de suite senti que j’étais amoureux, elle remplissait toutes mes attentes. Désormais, je n’avais besoin de personne d’autre qu’elle, je le sentais. Mais je devais être prudent, et patient. J’ai tout d’abord proposé à Natacha de collaborer avec moi comme modèle académique, car j’avais besoin de dessiner cette jeune beauté, la peindre et mon ami Boris était là, peintre attentionné et très bon professeur. 

J’ai quand même mis 5 mois à lui faire la cour et finalement, la jeune licenciée en histoire a choisi l’aventure, me suivre à Genève et m’aider à faire la promotion des artistes de son pays dans la galerie que j’avais aménagée dans la Vieille ville de Genève. Nous avons pu vivre en bonne harmonie, malgré nos différences pendant 4 ans. Elle a appris un nouveau métier, appris le français et l’anglais dans de bonnes écoles. Jeune femme du signe du Lion, très ambitieuse, Genève ne lui suffisant pas, elle a au bout de quelques années voulu suivre les cours de Sotheby’s à Londres. La jeune femme avait maintenant un métier, elle pouvait revendiquer ce qu’elle cherchait : l’indépendance économique. Elle a finalement pu trouver un poste de travail dans une maison aux enchères Londonienne spécialisée dans la vente des artistes russes. L’oiseau s’était envolé mais je n’ai jamais regretté les années dynamiques et exaltantes passées avec Natacha, la jeune femme aimée dont j’avais fais la connaissance grâce à Liuda, Liuda, la marieuse. 

Les années ont passé. Liuba, c’est aussi la fidélité dans la durée. Son jeune pays, un peu plus de 15 ans maintenant d’indépendance, l’Ukraine est une jeune démocratie , tiraillée entre deux blocs, le bloc occidental, l’Europe et les Etats-Unis et le bloc oriental, la nouvelle Russie dont elle a été le berceau avec la Kiev Russ du Xème siècle, deux siècles avant la création de Moscou. L’Ukraine est un pays de 45 millions d’habitants avec un potentiel humain, social et économique fabuleux. C’est une terre très riche qui était le grenier à blé de l’URSS, ses habitants sont chaleureux, courageux, travailleurs et bien éduqués. Mais l’Ukraine, qui veut dire en russe, pays de la limite est aussi dans une faille Est-Ouest : avec l’Ouest ukrainien, très patriote et nationaliste et les régions de l’Est plus russophones. La seule solution crédible et sage pour l’Ukraine d’éviter les déchirements après les évènements douloureux et tragiques -3- 

de ces deux dernières années, c’est de rester indépendante et neutre, un peu comme la Suisse, mon pays, ou la Suède. Neutre mais capable de se défendre. Et de se développer avec des régions autonomes, organisées en fédérations. Egalement un peu comme mon pays la Suisse. Pour respecter les différences mais rester unis. L’intérêt du peuple ukrainien dont l’unité s’est créée au long des siècles par la langue et la culture, ce n’est ni de dépendre trop de son puissant et ambitieux voisin la Russie, ni de tomber dans le piège de l’Union européenne, du FMI, et de l’OTAN. Le peuple ukrainien vaut mieux que ça. Il doit garder le cap de l’Indépendance, de l’Unité, et se choisir des dirigeants patriotes, honnêtes, intelligents et courageux, pour le service de l’intérêt général du peuple. 

J’ai rappelé Liuda, la marieuse, elle est toujours là, fidèle au poste, malgré les difficultés de son pays. Elle m’a demandé d’écrire un texte pour elle, pour sa société. Elle fait partie de ces Ukrainiens de ces Ukrainiennes, honnêtes, loyaux et courageux. Elle mérite notre soutien. Elle mérite notre attention, car elle a fait énormément pour nous, les hommes occidentaux à la recherche de femmes que nous ne trouvons plus chez nous. Elle a donné aussi énormément pour les femmes, les jeunes femmes ukrainiennes qu’elle aime et qu’elle a cherché avec succès à apparier à marier avec nos hommes de nos pays soit disant plus riches. Mais riches en quoi ? 

Je vais retourner à Kiev, rencontrer ma marieuse une nouvelle fois encore. 

 

 

 

 

 

 

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